Par SudOuest.fr avec AFP

Accès au rapport : https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2020/06/discriminations-et-origines-lurgence-dagir

Ce lundi est publié un rapport du Défenseur des Droits pointant du doigt les discriminations subies par les personnes d’origine étrangère. Il alerte également sur le manque de politiques publiques en la matière.

« Des conséquences délétères et durables » : Face à la montée des discriminations à l’emploi, au logement, à l’éducation ou lors des contrôles policiers, le Défenseur des Droits Jacques Toubon critique « l’insuffisance des politiques publiques » sur cette question, dans un rapport publié lundi.

« Tout le système est en cause »

« Les personnes d’origine étrangère ou perçues comme telles sont désavantagées dans l’accès à l’emploi ou au logement et plus exposées au chômage, à la précarité, au mal logement, aux contrôles policiers, à un état de santé dégradé et aux inégalités scolaires », affirme le Défenseur des droits, dans un rapport intitulé « Discriminations et origines : l’urgence d’agir ».

Il s’alarme, par ailleurs, de la « dimension systémique » des discriminations en France, mettant en cause les « droits fondamentaux » de « millions » de personnes et la « cohésion sociale ». Des discriminations qui ont « des conséquences délétères et durables sur les parcours individuels » de chacun. Pour Jacques Toubon, « les discriminations ne sont pas le résultat de logiques individuelles, de quelques DRH qui refusent d’embaucher des personnes noires ou arabes » mais « c’est tout le système qui est en cause ».

Un tiers des saisines du Défenseur des droits dans ce domaine sont des discriminations liées à l’origine

Alors face à cette « injustice », les personnes victimes de discriminations « ont recours à des stratégies de contournement, comme le choix de professions avec un statut d’autoentrepreneur ou libéral, ou celui d’un emploi dans l’un des secteurs caractérisés par une forte proportion d’immigrés ».

Et ces discriminations augmentent, selon le rapport. En 2016, 11% des personnes déclaraient avoir vécu une discrimination liée à l’origine ou la couleur de peau au cours des cinq dernières années alors qu’elles n’étaient que 6% en 2008. D’ailleurs, un tiers des saisines du Défenseur des droits dans ce domaine sont des discriminations liées à l’origine.

Les 18–25 ans « particulièrement exposés »

Selon l’enquête « Accès aux droits » du Défenseur des droits, menée en 2016, la moitié des hommes perçus comme « arabes, maghrébins ou noirs » déclare avoir été au moins une fois contrôlée par les forces de l’ordre, alors que plus de 80% des hommes en général déclarent n’avoir jamais fait l’objet d’un contrôle, rappelle le rapport basé sur des enquêtes de l’Institut national d’études démographiques (Ined) et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).

Parmi eux, les jeunes de 18–25 ans sont « particulièrement exposés » : 80% d’entre eux déclarent avoir été contrôlés dans les cinq années précédant l’enquête (contre 16% pour le reste des enquêtés). Jacques Toubon veut d’ailleurs « revoir les textes encadrant les contrôles d’identité pour assurer leur traçabilité ».

L’ancien garde des Sceaux propose également de « faciliter la preuve de la discrimination en matière pénale »

Malgré ce constat, le rapport pointe du doigt « l’insuffisance des politiques publiques » en la matière, « effacées au profit de la promotion de la diversité ou des enjeux de sécurité, de laïcité et de lutte contre la haine ». « La lutte contre les discriminations ne fait pas l’objet d’une politique coordonnée et spécifique », regrette le Défenseur, souhaitant que ce sujet devienne une « politique prioritaire ambitieuse », à l’image de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Aussi, il recommande la création d’un Observatoire des discriminations pour créer un « système de veille statistique » et « mieux documenter » le sujet. Aussi, il défend la mise en place de campagnes nationales régulières de « testing » concernant notamment l’emploi et le logement.

L’ancien garde des Sceaux propose également de « faciliter la preuve de la discrimination en matière pénale » et « garantir des sanctions judiciaires proportionnées et réellement dissuasives contre les auteurs ». Son objectif : « faire alléger la preuve exigée en matière pénale et en permettant au juge civil d’accorder des dommages punitifs en cas de discrimination directe et de harcèlement ».

Dans un rapport publié début juin, Jacques Toubon avait mis en garde contre les inégalités sociales et les discriminations subies en particulier par les personnes d’origine étrangères « exacerbées » par le confinement.